Il semble qu’un certain nombre d’entre vous, chers lecteurs fidèles, n’ait pas saisi la dimension parodique – voire pamphlétaire – du texte, horrible je l’avoue, de Jonathan Swift (Modeste contribution…).
C’est vrai qu’elle me semblait si évidente que je n’ai pas jugé utile de le préciser. Pour la petite histoire, j’ai découvert ce texte, alors que Caroline, avant son bac de français, avait littéralement recouvert les murs de la maison de ses fiches de révision. Ce texte était scotché sur le mur des toilettes, ce qui m’a laissé le temps de le lire, et de l’apprécier. Très bizarrement, ce texte a été adapté au cinéma en 1999 : Proposition de manger les enfants, de Brice Reveney, avec Jean-Claude Dreyfus, ainsi qu’au théâtre. Je n’ose même pas imaginer !
Depuis, j’ai appris que Gulliver, loin d’être le roman d’aventure qu’on sert aux enfants dans sa version expurgée, était un pamphlet virulent, entre autres contre la guerre ou à l’encontre des brillants scientifiques qui veulent faire profiter le peuple de leurs brillantes innovations, contre son gré s’il le faut, sans voir que, bien souvent, leurs inventions conduisent les peuples à la ruine.
Swift n’en était pas à son premier essai, puisqu’il avait déjà réussi à se mettre à dos durablement la reine Anne en écrivant Le Conte du tonneau, texte impitoyable à l’égard de la stupidité de ses contemporains.
Voilà… Et pour vous réconcilier avec Swift quelques citations piochées sur internet :
– son épitaphe, qu’il composa lui même : « Ici repose la dépouille de Jonathan Swift, D.D., doyen de cette cathédrale, qui désormais n’aura plus le cœur déchiré par l’indignation farouche. Va ton chemin, voyageur, et imite si tu le peux l’homme qui défendit la liberté envers et contre tout. »
– ” Tout le monde voudrait vivre longtemps, mais personne ne voudrait être vieux.”
– ” Nous avons juste assez de religion pour nous haïr, mais pas assez pour nous aimer les uns les autres.” (Oh combien d’actualité de nos jours… hélas)
– Et, tiré des “Instructions aux domestiques” ce conseil avisé aux bonnes d’enfant : ” Choisissez autant que possible vos amoureux parmi les militaires ; les enfants aiment les couleurs brillantes des uniformes, et pendant que vous causez de vos amours, l’enfant peut jouer avec le sabre de votre amant ; on ne cite guère d’exemples d’enfants qui se soient blessés ou tués dans des jeux de cette nature, et si un accident de ce genre devait arriver, ce serait bien extraordinaire que ce fût à vous qu’il arrivât. ”
Il faut quand même lire ce texte en ayant à l’esprit que le XVIII° siècle est le siècle de l’ironie (on détourne la censure comme on peut). Pour vous en convaincre, lisez aussi “De l’esclavage des nègres” de Montesquieu, exemple stéréotype fourgué à tous les lycées de 1°, mais bigrement efficace (et puis après, tant qu’à faire, enchaînez avec le reste de Montesquieu, Voltaire, Laclos, etc).
Et finalement, niveau humour noir, Franquin n’a rien inventé 😉