Les nombreux fans de Tony Hillerman auront reconnu les noms des principaux protagonistes de cette saga policière que je dévore depuis un an.
Jim Chee est navajo traditionaliste. Il salue le soleil en se levant, essaye de demeurer fidèle à la voie navajo et de garder l’harmonie (hozho) qui permet au monde d’exister. Il rève de devenir “yataali”, chanteur, nous dirions peut être medecine man. C’est celui qui grâce à des rites compliqués mélant des chants, des dessins de sable colorés et des rituels de purification permet à un malade de retrouver l’harmonie (hozho) et de guérir.
Il est aussi policier, dans la police tribale navajo, ce curieux mélange n’allant pas toujours de soi.
Dans “Le peuple des Ténèbres” nous faisons sa connaissance à un moment où, simple agent, il hésite à passer le concours d’entrée à l’académie du FBI. Au fil des livres, nous le verrons monter en grade ou être rétrogradé, résoudre des énigmes, tomber amoureux, mais jamais il ne perdra son amour pour son pays, sa “pureté” et son besoin d’être en harmonie avec la nature et la terre.
Joe Leaphorn, c’est le “légendaire lieutenant”. Plus âgé que Chee, mieux adapté aux contraintes de son métier et de la société américaine, il n’en est pas moins navajo par toutes ses fibres.
Il résoud la plupart de ses énigmes en cherchant le lien secret qu’entretiennent des évènements en apparence indépendants. Il a dans son bureau une grande carte de la région, ponctuée d’épingles de couleur qui lui permet de découvrir ces rapports cachés.
Joe Leaphorn et Jim Chee ont d’abord du mal à travailler ensemble, le côté imprévisible de Jim le rendant difficile à gérer. Ils finiront par s’apprécier et se respecter mutuellement.
Ce que j’aime dans ces livres, c’est l’omniprésence de la culture navajo, l’amitié qu’a l’auteur pour ses personnages, et l’amour pour la terre navajo que l’on sent à chaque ligne. Chaque livre est terminé par un glossaire passionnant où l’on apprend beaucoup de choses sur la culture, les mythes et la vie des navajos.
Ci dessous, ma traduction personnelle d’un texte de Tony Hillerman lu (en anglais) sur son site : www.tonyhillermanbooks.com
“Vous avez soutenu la série Leaphorn/Chee au cours de sa longue histoire, et je souhaitais vous remercier en écrivant un texte sur leurs origines. Il me semble que vous aimeriez connaître les racines des mes deux personnages préférés : le lieutenant Joe Leaphorn (maintenant à la retraite) et le sergent Jim Chee, tous deux appartenant à la police trivale navajo.
Leaphorn a été inspiré par un jeune shérif de Hutchinson County, au Texas, que j’ai rencontré et appris à admirer en 1948, étant à ce moment un trés novice reporter pour un article sur “le crime et la violence” dans les hautes plaines de Panhandle. Intelligent et honnête, il était sage et humain dans l’usage de ses pouvoirs de policier – l’image idéale de ce que devrait être un policier.
Quand j’ai eu besoin d’un policier de ce type pour un personnage que je pensais mineur dans “La voie de la bénédiction”, ce shérif me revint à l’esprit. J’ajoutais des caractéristiques culturelles et religieuses navajo, et il devint Leaphorn en bonne et due forme. Fort heureusement pour moi, pour Leaphorn et pour nous tous, mon éditeur de l’époque, Joan Kahn, me demanda de réécrire une bonne partie du manuscrit, et ayant commencé à entrevoir les possibilités de Leaphorn, je lui donnai une place plus importante dans l’histoire, et le rendis plus navajo.
Jim Chee apparut plusieurs livres plus tard. J’aime dire qu’il naquit d’un besoin artistique pour un type plus jeune, moins sophistiqué qui rende l’intrigue du “Peuple des ténèbres” compréhensible, et c’est en grande partie vrai. Chee est le mélange d’une centaine de ces jeunes idéalistes, romantiques, agités, à qui j’ai donné des cours à l’Université du Nouveau Mexique. J’ai transformé leurs rêves de “bon vieux temps” en souhait de garder vivant le système de valeurs navajo dans notre époque consumériste.
J’avoue que Leaphorn est le personnage que je préfèrerais avoir comme voisin, et que nous partageons un bon paquet d’idées et d’attitudes. Je dois admettre que Chee me ferait parfois perdre patience, ainsi que ces étudiants dont je me suis inspiré. Mais chacun d’entre eux, à sa façon, représente la Voie Navajo que je respecte et que j’admire. Et j’avoue aussi que je ne commence jamais un des livres où ils apparaissent sans la volonté de donner au lecteur au moins un aperçu de la culture d’un peuple qui mérite d’être mieux compris.
Tony Hillerman ”